Jésus a-t-il existé ? Les indices physiques

Les personnes qui prennent connaissance de ma passion pour l’exégèse biblique me posent très souvent la même question : « c’est bien beau ce que tu nous racontes mais, au final, il a vraiment existé Jésus ? » J’aurais peut-être dû commencer mon blog par cet article. 🙂

Il est surprenant de constater que nous nous posons plus de questions sur l’existence de Jésus que sur celle du Pharaon Kheops, d’Alexandre le Grand, de Bouddha ou de Vercingétorix. Pourtant, comme nous allons le découvrir dans cet article, nous n’avons guère plus – voire moins – d’indices de leur existence historique que nous n’avons pour celle de Jésus.

Par « existence historique de Jésus », nous faisons référence à l’existence physique d’un homme né et mort en Palestine il y a environ 2.000 ans. Ce qui est arrivé avant sa naissance (la conception virginale, le fils de Dieu) et après sa mort (la Résurrection) est du domaine de la Foi et ne concerne donc pas cet article. Les exégètes et même l’Eglise font d’ailleurs la distinction entre « Jésus de Nazareth », le personnage historique, et « Jésus-Christ », le personnage religieux, le Jésus de la Foi.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, posons-nous tout d’abord quelques questions simples :

  • comment savons-nous qu’un personnage historique mort bien avant notre naissance a réellement existé ?
  • Comment savons-nous que Sherlock Holmes est seulement un personnage de roman ?
  • Plus difficile : comme faisons-nous la différence entre le d’Artagnan des 3 Mousquetaires et le d’Artagnan soldat de Louis XIV mort à Maastricht (disons le « vrai » d’Artagnan) ?

La certitude absolue de l’existence d’un personnage n’est possible que si vous l’avez vous-même rencontré, et cette certitude ne concernera que vous-même. Vos parents et amis proches vous feront sans doute confiance mais plus la distance géographie et historique augemente, plus la certitude diminue. Pour les personnes mortes depuis des années, tout au plus pouvons-nous recueillir un faisceau d’indices convergents nous permettant de conclure à l’existence probable de la personne. Cette certitude « raisonnable » mais jamais définitive fait d’ailleurs le bonheur des thèses conspirationnistes ou farfelues : rien ne nous prouve que Neil Armstrong est allé sur la Lune, Napoléon serait né en Bretagne et Elvis Presley est toujours vivant.

Vue la complexité du sujet, je diviserai l’article en 3 parties :

  • Partie I – Les indices physiques où je parlerai du corps de Jésus et des reliques ;
  • Partie II – Les indices archéologiques où je m’intéresserai principalement de la basilique de la Nativité de Bethléem et au Saint-Sépulcre de Jérusalem ;
  • Partie III – Les indices littéraires où je ferai le bilan des références littéraires à Jésus dans la littérature juive, chrétienne et romaine de l’époque.

Ma propre opinion sur l’existence historique de Jésus sera la conclusion de la partie III. Suspens…

Partie I – Les indices physiques

I.1 – Le corps de Jésus

Les quatre évangiles et les Actes des Apôtres sont cohérents : après la crucifixion, le corps de Jésus a été placé dans un tombeau dont il a disparu 3 jours plus tard. Il est ensuite apparu à divers disciples (pas les mêmes, pas au même endroit suivant les évangiles) et est ensuite monté au ciel et n’a plus laissé de traces terrestres.

Dans l’évangile de Marc, « Marie de Magdala, Marie la mère de Jacques et Salomé » rejoignent la tombe pour laver le corps de Jésus. Mais celui-ci a disparu et un jeune homme inconnu donne rendez-vous à ses disciples en Galilée :

 16 Lorsque le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie la mère de Jacques et Salomé achetèrent des aromates afin d’aller embaumer Jésus. 2 Le dimanche, elles se rendirent au tombeau de grand matin, au lever du soleil. 3 Elles se disaient entre elles: «Qui nous roulera la pierre qui ferme l’entrée du tombeau?» 4 Mais quand elles levèrent les yeux, elles s’aperçurent que la pierre, qui était très grande, avait été roulée. 5 Elles pénétrèrent dans le tombeau, virent un jeune homme assis à droite, habillé d’une robe blanche, et elles furent épouvantées. 6 Il leur dit: «N’ayez pas peur. Vous cherchez Jésus de Nazareth, celui qui a été crucifié. Il est ressuscité, il n’est pas ici! Voici l’endroit où on l’avait déposé. 7 Mais allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée: c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.» (Marc 16:1,7)

 Après être réapparu « physiquement » en Galilée, Jésus finit par disparaitre au ciel :

 19 Après leur avoir parlé, le Seigneur fut enlevé au ciel, et il s’assit à la droite de Dieu. 20 Quant à eux, ils s’en allèrent prêcher partout. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la parole par les signes qui l’accompagnaient. (Marc 16:19,20)

Dans l’évangile de Matthieu, seulement « Marie de Magdala et l’autre Marie » vont voir le corps de Jésus qui, là-encore, a disparu de sa tombe. Un ange (au lieu du jeune homme de Marc) donne rendez-vous à ses disciples en Galilée :

 28 Après le sabbat, à l’aube du dimanche, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent voir le tombeau. 2 Soudain, il y eut un grand tremblement de terre, car un ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre [de devant l’ouverture] et s’assit dessus. 3 Il avait l’aspect de l’éclair et son vêtement était blanc comme la neige. 4 Les gardes tremblèrent de peur et devinrent comme morts, 5 mais l’ange prit la parole et dit aux femmes: «Quant à vous, n’ayez pas peur, car je sais que vous cherchez Jésus, celui qui a été crucifié. 6 Il n’est pas ici, car il est ressuscité, comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où le Seigneur était couché 7 et allez vite dire à ses disciples qu’il est ressuscité. Il vous précède en Galilée. C’est là que vous le verrez. Voilà, je vous l’ai dit.» (Matthieu 28:1,7)

 Rien n’est dit ensuite sur le corps de Jésus après la rencontre avec ses disciples en Galilée.

Dans l’évangile de Luc, « des femmes » sans autre précision viennent laver le corps de Jésus. Cette fois-ci, ce ne sont plus un homme ou un ange mais deux hommes qui les informent :

 24 Le dimanche, elles se rendirent au tombeau de grand matin [avec quelques autres] en apportant les aromates qu’elles avaient préparés. 2 Elles découvrirent que la pierre avait été roulée de devant le tombeau. 3 Elles entrèrent, mais elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. 4 Comme elles ne savaient que penser de cela, voici que deux hommes leur apparurent, habillés de vêtements resplendissants. 5 Saisies de frayeur, elles tenaient le visage baissé vers le sol. Les hommes leur dirent: «Pourquoi cherchez vous parmi les morts celui qui est vivant? 6 Il n’est pas ici, mais il est ressuscité. Souvenez-vous de ce qu’il vous a dit, lorsqu’il était encore en Galilée: 7 ‘Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et qu’il ressuscite le troisième jour.’» (Luc 24:1,7)

et plus loin :

50 Il les conduisit jusque vers Béthanie, puis il leva les mains et les bénit. 51 Pendant qu’il les bénissait, il les quitta et fut enlevé au ciel. (Luc 24:50,51)

Finissons par l’évangile de Jean, qui raconte une histoire un peu plus complexe même si la trame reste identique. Marie de Magdala (seule cette fois) va au tombeau, constate qu’il est ouvert mais n’ose pas y entrer. Elle retourne chercher Pierre et « un autre disciple » :

20 Le dimanche, Marie de Magdala se rendit au tombeau de bon matin, alors qu’il faisait encore sombre, et elle vit que la pierre avait été enlevée [de l’entrée] du tombeau. 2 Elle courut trouver Simon Pierre et l’autre disciple que Jésus aimait et leur dit: «Ils ont enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où ils l’ont mis.» 3 Pierre et l’autre disciple sortirent donc et allèrent au tombeau. 4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 5 Il se pencha et vit les bandelettes posées par terre, cependant il n’entra pas. 6 Simon Pierre, qui le suivait, arriva et entra dans le tombeau. Il vit les bandelettes posées par terre; 7 le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus n’était pas avec les bandes, mais enroulé dans un endroit à part. 8 Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi, il vit et il crut. (Jean 20:1,8)

 Jésus apparait alors spécifiquement à Marie de Magdala et lui annonce son ascension prochaine au ciel :

17 Jésus lui dit: «Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père, mais va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.» (Jean 20:17)

Il retrouve ensuite ses disciples en Galilée (avec le fameux passage de Thomas qui doit mettre le doigt dans les plaies pour croire au retour de son maitre) et on ne sait pas ce qu’il advient par la suite.

La dernière mention provient des Actes des Apôtres. Ce livre aurait été écrit par Luc et constitue la « suite » de son évangile en se focalisant sur les débuts des premiers « chrétiens » et plus particulièrement le destin de Pierre et Paul. Luc nous rappelle l’ascension de Jésus au ciel 40 jours après sa résurrection :

9 Après avoir dit cela, il s’éleva dans les airs pendant qu’ils le regardaient et une nuée le cacha à leurs yeux. 10 Et comme ils avaient les regards fixés vers le ciel pendant qu’il s’en allait, deux hommes habillés de blanc leur apparurent 11 et dirent: «Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder le ciel? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel du milieu de vous reviendra de la même manière que vous l’avez vu aller au ciel.» (Actes 1:9,11)

La disparition du corps de Jésus 3 jours après sa mort sur la Croix est LE point d’achoppement entre athées et croyants. Pour les croyants, Jésus est ressuscité et monté ensuite au Ciel et donc, « par définition », le corps de Jésus est inaccessible et le restera à jamais (en dehors d’un hypothétique retour sur terre à la fin des temps). La Résurrection est le fondement même de la Chrétienté.

Pour expliquer la disparition du corps, les athées ont quant à eux plusieurs hypothèses :

  • Jésus n’aurait pas existé et le contenu des évangiles est une fable : le sujet de cet article est justement d’infirmer ou confirmer cette hypothèse ;
  • Jésus a survécu au supplice de la Croix : nous détaillerons cette hypothèse lorsque nous parlerons de la tombe de Jésus dans la deuxième partie de cet article ;
  • les autorités juives ou romaines ont fait disparaitre le corps pour éviter qu’un culte ne se développe ;
  • Les partisans de Jésus ont volé son corps pour faire croire à sa résurrection. C’est d’ailleurs une accusation récurrente dont on trouve trace dès l’évangile de Matthieu, accusation qui poursuit encore les Chrétiens de nos jours :

11 Pendant qu’elles étaient en chemin, quelques hommes de la garde entrèrent dans la ville et annoncèrent aux chefs des prêtres tout ce qui était arrivé. 12 Après s’être réunis avec les anciens pour tenir conseil, ceux-ci donnèrent une forte somme d’argent aux soldats 13 avec cette consigne: «Dites que ses disciples sont venus de nuit voler le corps pendant que vous dormiez. 14 Et si le gouverneur l’apprend, nous l’apaiserons et nous ferons en sorte que vous n’ayez pas d’ennuis.» 15 Les soldats prirent l’argent et se conformèrent aux instructions reçues. Et ce récit des événements s’est propagé parmi les Juifs jusqu’à aujourd’hui. (Matthieu 28:11,15)

Une chose est certaine : le corps de Jésus n’a pas été retrouvé de nos jours (sauf par Dan Brown dans le Code de Vinci, mais nous sommes sur un blog sérieux).

Est-ce surprenant pour autant ? N’oublions pas que des milliards d’humains nous ont précédé (plus de 100 milliards d’après cet article) et il reste finalement très peu de traces de toutes ces personnes. A titre personnel, pouvez-vous encore vous recueillir sur la tombe de vos arrière-grands-parents ? Pourtant, vous êtes la preuve vivante qu’ils ont bien existé. 🙂

Il peut paraitre normal que le corps d’un quidam disparaisse mais ce n’est guère différent pour les grands personnages historiques. Seuls les corps d’une poignée d’entre eux reste « accessible » de nos jours : la momie de Ramsès II (mort il y a 3.300 ans) au musée du Caire, le corps de Napoléon aux Invalides, la momie/corps de Lénine au Kremlin…

Dans l’histoire, il arrive aussi que le corps d’un personnage historique soit conservé durant des siècles puis disparaisse subitement lors d’un soubresaut de l’histoire. Deux exemples parmi d’autres : Alexandre le Grand et les Rois de France.

Des auteurs romains mentionnent la présence du corps d’Alexandre le Grand dans un mausolée à Alexandrie au moins jusqu’en 215 après Jésus-Christ, soit près de 6 siècles après sa mort (– 323). L’empereur romain Caracalla aurait volé la tunique, la bague et la ceinture du corps embaumé. Depuis on a perdu la trace du mausolée et du corps mais l’espoir demeure de les retrouver un jour à l’occasion de fouilles à Alexandrie.

Les corps des Rois de France ont été conservés en la Basilique de Saint-Denis jusqu’à la Révolution Française avant d’être détruits en 1793 et 1794.

En synthèse, le corps de Jésus a disparu au bout de 3 jours et il est peu probable qu’il fût retrouvé un jour mais l’absence de corps n’est en aucun cas une preuve de non-historicité : la survivance d’un corps – même d’une personne célèbre – reste exceptionnelle.

I.2 – Les reliques

Le mot « relique » vient du latin « reliquiae » qui signifie « restes ». Les reliques sont des parties du corps ou des objets qui auraient appartenu à une personne sainte.

Le culte des reliques n’est pas spécifique à la Chrétienté (l’Islam et le Bouddhisme n’y échappent pas) mais celle-ci l’a particulièrement développé : pas une église catholique n’échappe à son reliquaire contenant les restes improbables d’un saint tout aussi improbable : un doigt, une calotte crânienne, un tibia… En 1912, Pierre Saintyves (dans son livre « Les reliques et les images légendaires ») référençait « les deux têtes (déclarées authentiques par le Vatican), et les 32 doigts de saint Pierre, les 12 têtes et 60 doigts de saint Jean, les 15 bras de saint Jacques, les 30 corps de saint George, les 8 bras de saint Blaise, 11 jambes de saint Matthieu, 14 saints prépuces et de nombreux morceaux du cordon ombilical de Jésus-Christ » (merci Wikipédia pour la citation).

La vénération des reliques date des premiers temps de la Chrétienté mais a « explosé » au Moyen-âge dans le sillage des peurs du changement de millénaire et des premières croisades. Une véritable commerce s’est alors développé, commerce officiellement réprouvé par l’Eglise (dès le deuxième concile du Latran en 1139) mais toléré dans les faits. L’auteur Ken Follet décrit parfaitement le phénomène des reliques dans son (excellent) roman « Les Piliers de la Terre » et (moins bon) roman « Un monde sans Fin » : relique dans ma ville = visiteurs = argent. Rien ne change en notre bas monde…

Je vais classer les reliques de Jésus en 2 catégories :

  • Les restes physiques du corps de Jésus,
  • Les objets ayant été en contact avec Jésus.

Pour chacune des reliques, nous nous poserons la question de sa crédibilité en la passant au crible de 4 critères :

  • critère religieux : si la relique n’est pas reconnue par l’Eglise, nous pouvons dire que « la messe est dite », la relique est un faux. Mais il est très rare que l’Eglise se positionne clairement sur le sujet ;
  • critère scientifique : des méthodes de datation comme le Carbone 14 permettent à minima de s’assurer que la relique est bien contemporaine de Jésus mais ne peuvent pas trancher sur sa « paternité » (Jésus lui-même ou simple quidam contemporain de Jésus) ;
  • critère de crédibilité historique : la conservation de la relique est-elle compatible avec les us et coutumes de l’époque. Par exemple, les Romains brulaient les corps de leurs morts donc retrouver le corps de César est exclu ;
  • critère de traçabilité historique : une relique qui apparait soudainement (évitons le terme « miraculeusement ») dans l’histoire est d’autant plus suspecte que sa date d’apparition est éloignée des faits historiques.

I.2.1 – Les restes physiques du corps

Dès l’Ancien Testament, les ossements d’un saint sont reconnus comme ayant des vertus magiques. Prenons l’exemple du prophète Elisée :

20 Elisée mourut et on l’enterra. L’année suivante, des troupes de Moabites pénétrèrent dans le pays. 21 On était en train d’enterrer un homme quand on aperçut une de ces troupes, et on jeta l’homme dans le tombeau d’Elisée. En touchant les ossements d’Elisée, l’homme reprit vie et se leva sur ses pieds. (2Rois 13:20,21)

Même si nous avons vu précédemment que le corps de Jésus n’avait pas été retrouvé et – par définition « chrétienne » ne devrait jamais l’être – il existe tout de même quelques reliques liées au corps de Jésus.

Le Saint Ombilic (ou Saint Nombril)

Ce serait la relique du cordon ombilical de Jésus de Nazareth. Historiquement, on retrouve la trace :

  • d’un ombilic entier à Clermont(-Ferrand),
  • de morceaux à Rome (Saint-Jean-de-Latran), Constantinople (maintenant Istanbul) et Châlons-en-Champagne (autrefois Châlons-sur-Marne).

Dans ce dernier cas, la hiérarchie catholique a été (pour une fois) courageuse et l’évêque local ordonna en 1707, après enquête, sa destruction. Aujourd’hui le reliquaire (vide) peut être vu au Musée de Cluny (remarquable musée par ailleurs qui échappe un peu aux foules parisiennes).

Aucun doute sur la non-historicité de cette relique :

  • Aucune analyse scientifique n’a été effectuée ;
  • La crédibilité historique est nulle : les juifs de l’époque ne conservaient pas l’ombilic ;
  • la relique apparait à partir de l’an 800 si on en croit la tradition qui s’attache à l’exemplaire de Châlons-en-Champagne ;
  • Le morceau de Châlons-sur-Marne a été rejeté par l’Eglise elle-même.

Quelques liens pour creuser le sujet :

Le Saint Prépuce

Rappelons que Jésus était juif et a donc été circoncis le 8ème jour après sa naissance (cérémonie de la Brit-Milah) au Temple de Jérusalem comme nous le raconte Luc (il est d’ailleurs le seul des 4 évangélistes) :

21 Huit jours plus tard, ce fut le moment de circoncire l’enfant; on lui donna le nom de Jésus, nom que l’ange avait indiqué avant sa conception. (Luc 2:21)

Encore plus fort que le Saint Ombilic, il fut référencé 14 Saint-Prépuces au sein de la Chrétienté ! De nos jours, nous pouvons encore trouver deux d’entre eux en France à Conques dans l’Aveyron et à Vebret dans le Cantal. Un autre aurait été retrouvé il y a quelques années dans un coffre à proximité du Mont des Oliviers.

Là-encore, aucune preuve scientifique, aucune traçabilité historique (les premières traces d’un Saint – Prépuce datent de l’an 800 quand Charlemagne en offre un au Pape Léon XIII) et une invraisemblance historique manifeste : les Juifs de l’époque enterr(ai)ent le prépuce après circoncision.

Quelques liens pour creuser le sujet :

Les Saintes Dents

La plupart des mères conservent « religieusement » les dents de lait de leurs enfants (quand elles ne sont pas enlevées par la petite souris, bien sûr). Pourquoi la Vierge Marie ne l’aurait-elle pas fait ? En plus les dents ont l’avantage d’être la partie du corps humain qui se conserve le mieux au fil des siècles (et même des millénaires puisque c’est la partie du corps des hommes préhistoriques que nous retrouvons le plus souvent).

Plusieurs Saintes Dents (là c’est moins choquant que les multiples ombilics ou prépuces) auraient été vénérées à Soissons, Versailles, Vincennes, Noyon… Notons que le Christianisme n’est pas seul à vénérer des reliques de dents : les Dents de Mahomet et celles de Bouddha sont elles-aussi vénérées de nos jours.

Là-encore, aucune crédibilité dans la conservation de ces reliques.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Saintes_Dents

Les Saintes Larmes

Jésus aurait versé des larmes à deux occasions : larmes de peine lors de la mort de Lazare (quel personnage passionnant des évangiles !) et larmes de douleur lors de sa crucifixion.

Des Saintes Larmes sont apparues un peu partout en Europe au Moyen-Age. La Sainte-Larme de Vendôme était très célèbre, a donné lieu à des controverses sur son authenticité au XVIIIème siècle pour finalement disparaitre à la Révolution.

Détail cocasse : une Sainte Larme conservé à Amiens a disparu suite à la maladresse d’un sacristain entre 1920 et 1930. Seul subsiste le reliquaire.

Il en subsiste encore une à Chemillé dans le Maine-et-Loire.

Vous connaissez ma réponse sur l’authenticité de cette relique…

Quelques liens :

Notons enfin qu’une pierre sur laquelle Jésus aurait versé une larme (un morceau de la pierre tombale de Lazare) est conservée à Allouagnes dans le Pas-de-Calais.

Le Saint Sang

En parlant du Saint Sang, nous ouvrons la porte à la légende du Saint Graal, la coupe dans laquelle Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang de Jésus en train de mourir sur la Croix. Nous y reviendrons plus loin.

Toujours la même histoire : au Moyen-Age, du Saint-sang apparait soit miraculeusement, soit est ramené des croisades, soit (un peu d’originalité) voyage sur le tronc d’un figuier qui échoue sur les plages de Fécamp (légende proche du corps de St-Jacques échouant à St-Jacques-de-Compostelle).

De nos jours, on peut trouver :

  • Une ampoule du Saint-Sang à l’église abbatiale de l’abbaye de la Trinité de Fécamp en Normandie ;
  • Une ampoule de sang mélangé à de la terre à la basilique du Saint-Sang à Bruges en Belgique (ville magnifique). Par curiosité et par hasard, j’ai eu l’occasion de voir cette ampoule à l’occasion de la procession de l’Ascension (inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité). Je ne suis pas allé jusqu’à l’embrasser comme le faisaient les pèlerins ;
  • Des gouttes de Saint-Sang :
    • à la Basilique Saint-Jacques à Neuvy-Saint-Sépulchre dans l’Indre,
    • à l’église Saint-Jacques de Rothenburg ob der Tauber en Allemagne (ville médiévale fantastique).

Authenticité de ces reliques : nulle.

Quelques liens :

Empreintes des pieds

Une trace de pied de Jésus enfant lors de la fuite en Egypte serait présente à Sakha dans l’église de la Vierge. Comme elle est quasi-inconnue, je la cite juste parce que je l’ai trouvée au hasard de mes recherches.

L’église de l’Ascension sur le Mont des Oliviers à côté de Jérusalem contiendrait quant à elle une pierre portant l’empreinte du pied de Jésus lors de son Ascension (cf. citation Actes 1:9,11 plus haut). Cette église est devenue une mosquée lors la conquête de Jérusalem par Saladin en 1187. C’est la seule mosquée au monde où un culte chrétien est autorisé, lors de l’Ascension. La tradition rapporte que lorsque le premier édifice y fut construit en 376, il fut impossible de paver le sol au-dessus de l’empreinte ni de couvrir le monument d’une toiture.

Dans les 2 cas, difficile de reconnaître un pied à moins d’un grand effort d’imagination. Même si la tradition concernant l’église de l’Ascension est très ancienne, elle n’apporte que peu à notre discussion.

L’église « Santa Maria in Palmis » ou « Domine Quo Vadis » est érigée (depuis le IXème siècle) à l’endroit où Pierre, fuyant Rome pour échapper aux persécutions de Néron, rencontra Jésus. Il lui aurait demandé « Domine Quo Vadis ? » (« où vas-tu, Maître ? »). Jésus lui aurait alors répondu « Venio Romam iterum crucifigi » (« Je vais à Rome me faire crucifier de nouveau »). Sur ce, Pierre fit demi-tour et finit crucifié (la tête en bas) à la place de Jésus. Cet épisode (issue de l’apocryphe « Actes de Pierre ») a été rendu célèbre dans le film « Quo Vadis », tiré du livre éponyme de l’écrivain polonais Henryk Sienkiewicz qui lui valut de recevoir le prix Nobel de littérature en 1905.

Il suffit de regarder une photo de l’ « empreinte » pour se faire une idée de son authenticité. 🙂

I.2.2 – Les objets ayant appartenu ou été en contact avec Jésus

Dès les évangiles, les objets en contact avec Jésus sont réputées avoir un pouvoir de guérison. Par exemple :

20 C’est alors qu’une femme qui souffrait d’hémorragies depuis 12 ans s’approcha par-derrière et toucha le bord de son vêtement, 21 car elle se disait: «Si je peux seulement toucher son vêtement, je serai guérie.» 22 Jésus se retourna et dit en la voyant: «Prends courage, ma fille, ta foi t’a sauvée.» Et cette femme fut guérie dès ce moment. (Matthieu 9:20,22)

Le même passage est cité quasi mot pour mot dans Marc 5:25,34 et Luc 8:43,48.

Passons rapidement sur certaines reliques qui ont toutes en commun une authenticité douteuse (tradition remontant au mieux en 330, aucune analyse scientifique et pas de reconnaissance officielle de l’Eglise). Je m’appuie notamment sur une liste établie en 1821 par Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy dans son livre « Dictionnaire critique des reliques et des images miraculeuses ». Combien d’entre elles subsistent encore de nos jours, je renonce à le vérifier.

Nous avons donc :

  • L’auge ou la crèche de Jésus que l’on trouve (entière) dans l’église de la Sainte-Nativité à Bethléem mais aussi en morceaux à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome. D’autres morceaux existaient aussi à Toulon, Troyes, Nuremberg et Madrid ;
  • Des fragments du Saint Berceau à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome (bien qu’aucun évangile – canonique ou apocryphe – ne fît état d’un berceau) ;
  • Le Saint Foin qui tapissait le berceau de Jésus en Lorraine ;
  • Les Saints Langes à Dubrovnik en Croatie et que l’on montrait aussi à Rome, à Paris dans la Sainte Chapelle, à Saint-Denis, à Chartres, à Ancône en Italie et San-Salvador en Espagne ;
  • Les Présents des Rois mages au mont Athos en Grèce ;
  • Le Couteau de la circoncision conservé à l’église Sainte-Corneille de Compiègne en France (qui serait en fait vebu de Namur en Belgique selon un abbé du XIXème siècle) ;
  • La Pierre de la Circoncision conservée à Rome dans l’église St-Jacques in Borgo sur laquelle le talon de Jésus aurait laissé une trace ;
  • Les Sandales du Christ dans la basilique de Prüm en Allemagne ;
  • Les 13 cruches de Noces de Cana (rappelons que l’évangile de Jean nous parle de « 6 jarres de pierre ») en France, Belgique, Allemagne, Italie et Espagne. Aucune de ces jarres n’avait la même forme, ni la même contenance. Les moines d’Orléans étaient les champions toutes catégories puisqu’ils servaient même du vin de Cana ! (moyennant finances il va sans dire) ;
  • Les restes des 5 pains partagés par Jésus que l’on trouvait en Italie ;
  • Le bâton de Jésus à la cathédrale de Dublin ;
  • Une grille sur laquelle il s’était appuyé à Rome ;
  • Un mouchoir de Jésus à Rome ;
  • Une coiffe à la cathédrale Saint Étienne de Cahors ;
  • Le corps de l’ânesse sur laquelle Jésus fit son entrée à Jérusalem vénérée en Italie ;
  • La branche de palmier qu’il tenait que l’on pouvait trouver en Espagne ;
  • La table de la Cène entière à Rome mais avec des morceaux dispersés en France, Allemagne et Espagne ;
  • La Sainte-Touaille, nappe qui recouvrait la table de la Cène, à la Sainte-Chapelle de Paris, à Cologne et Moscou ;
  • Un tabouret sur lequel s’était assis Jésus lors de la Cène à Rome ;
  • Le plat dans lequel fut servi l’agneau pascal à Rome, Gênes, Arles, Tolède et Novgorod ;
  • Le couteau ayant servi à découper l’agneau pascal à Trèves ;
  • Un couteau utilisé pour trancher le pain dans le campanile de Saint-Marc à Venise ;
  • Le Saint Calice, la coupe utilisée pour le partage du vin lors de la Cène que l’on trouve à Valence en Espagne et Gênes en Italie. Cette coupe aurait aussi été utilisée pour recueillir le sang de Jésus sur la Croix, devenant ainsi le Saint-Graal (dont les évangiles ne nous disent rien) ;
  • Le Saint-Escalier (« Scala Santa ») à partir duquel Ponce Pilate se serait adressé à la foule à la basilique Saint-Jean-de-Latran à Rome ;
  • La Colonne de la Flagellation à la basilique Sainte-Praxède à Rome ;
  • La Sainte-Eponge dans la Basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem ;
  • La Sainte Lance qui perça le flanc de Jésus lors de sa crucifixion et que l’on retrouve à la Sainte-Chapelle à Paris, à la cathédrale de Wawel en Pologne, à Izmir en Turquie et en Arménie ;
  • La Vraie Croix que l’on retrouve dispersée partout dans la Chrétienté. Un auteur (dont j’ai malheureusement perdu le nom) indiquait qu’en mettant bout à bout tous les fragments de la Vraie Croix il serait sans doute possible de rebâtir l’Arche de Noë (boutade un peu exagérée) ;
  • Les clous par lesquels Jésus fut crucifié, parmi eux le Saint Mors de Carpentras forgé à partir d’un de ces clous ou encore le Saint Clou de la Cathédrale de Toul ;
  • Le flagellum avec lequel les Romains ont fouetté le Christ à l’abbaye de Saint-Benoit près de Subiaco en Italie ;
  • La Sainte Couronne (couronne d’épines) toujours conservée au Trésor de la cathédrale Notre-Dame de Paris ;
  • La Sainte Face, linge utilisé par sainte Véronique pour essuyer le visage du Christ au cours de sa montée au Calvaire ;
  • Le Voile de Manoppello qui representerait le visage de Jésus lors de sa crucifixion ;
  • Le Voile de Véronique, cousine de Jean-Baptiste qui aurait essuyé avec son voile le visage de Jésus lors du Chemin de croix. Une image de sa face s’y serait imprimée. Le Voile de Veronique est présent à Rome, à Milan et à Jaén en Espagne.

L’imagination et le mercantilisme de certains religieux de l’époque étaient quasiment sans limites… Heureusement, nous avons échappé à la Sainte-Urine … mais pas au Saint-Air par un religieux du XIXème siècle.

Tout ceci prête à sourire mais n’oublions pas les milliers de pauvres gens qui ont été dupés au fil des siècles par des religieux sans scrupules. Le célèbre roi Saint-Louis lui-même a dilapidé plus que le budget annuel de la France pour acquérir une collection de reliques (dont la Sainte-Couronne) et bâtir la Sainte-Chapelle pour les héberger. Remarquons que ses successeurs ont vendu des morceaux de ces reliques pour renflouer le trésor royal avant que les révolutionnaires n’en détruisent la plupart.

Passons maintenant aux rares reliques ayant fait l’objet d’études scientifiques.

Le « Titulus Crucis »

Le Titulus est le morceau de bois sur lequel les Romains auraient écrit en grec, latin et hébreu le motif de la condamnation de Jésus tel que décrit dans l’Evangile de Jean :

19 Pilate rédigea aussi un écriteau qu’il plaça sur la croix; il y était écrit: «Jésus de Nazareth, le roi des Juifs.» 20 Beaucoup de Juifs lurent cette inscription parce que l’endroit où Jésus fut crucifié était près de la ville. Elle était écrite en hébreu, en grec et en latin. 21 Les chefs des prêtres des Juifs dirent à Pilate: «N’écris pas: ‘Le roi des Juifs’, mais plutôt: ‘Cet homme a dit: Je suis le roi des Juifs.’» 22 Pilate répondit: «Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit.» (Jean 19:19,22)

C’est la fameuse inscription « INRI » que l’on retrouve sur toutes les représentations de la crucifixion, INRI étant l’abréviation du latin « Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum » (la lettre J n’existe pas en latin) qui signifie « Jésus de Nazareth, Roi des Juifs ».

Le Titulus fut découvert par Hélène en même temps que la Vraie Croix et se trouve actuellement à la Basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem de Rome. Il a fait l’objet a fait l’objet de deux expertises scientifiques :

  • Une expertise graphologique qui indique que le style d’écriture remonterait au premier siècle (ce qui ne prouve rien) ;
  • Une expertise au Carbone 14 qui indique que le bois remonte au XIème siècle.

La science est donc formelle : le titulus actuel un faux, au mieux une copie fidèle de l’original.

La Sainte Tunique du Christ

La Sainte-Tunique est l’habit porté par Jésus lors du Chemin de Croix et qui aurait été partagée aux dés par les soldats romains comme nous l’indique l’évangile de Jean :

23 Après avoir crucifié Jésus, les soldats prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi sa tunique, qui était sans couture, d’une seule pièce depuis le haut jusqu’en bas. Ils se dirent entre eux: 24 «Ne la déchirons pas, mais tirons au sort pour savoir à qui elle sera.» C’est ainsi que s’accomplit cette parole de l’Ecriture: Ils se sont partagé mes vêtements et ils ont tiré au sort mon habit.[a] Voilà ce que firent les soldats. (Jean 19:23,24)

Problème classique, plusieurs tuniques sont attestées au cours de l’histoire :

  • 2 entières respectivement à Argenteuil (France) et Trèves (Allemagne),
  • des fragments à Abbeville, Londres, Venise, Aix-la-Chapelle, Bamberg, Brême, Moscou, Kiev, Constantinople…

La Tunique d’Argenteuil apparaît pour la première fois en 1156. En 2003, la sous-préfecture, la municipalité et l’évêché font effectuer une mesure au Carbone 14 qui démontre que la Tunique a été confectionnée entre les années 530 et 650, avec une probabilité de 95,4 %. Ces résultats ont d’ailleurs été rendus publics par l’évêché de Pontoise en décembre 2004.

La Tunique de Trêves n’a fait l’objet d’aucune étude scientifique mais apparaît mystérieusement en 1193 à l’occasion de travaux dans la cathédrale. Son authenticité a été contestée au XIXème siècle mais sans conclusion définitive.

Le Suaire d’Oviedo

C’est le morceau qui aurait recouvert la tête de Jésus de sa mort à sa mise au tombeau. C’est une toile de lin d’environ 85 × 52 centimètres conservée dans la cathédrale d’Oviedo en Espagne depuis 1113.

Du sang humain de groupe AB, aurait été découvert sur le linge. Une datation Carbone aurait estimé que le tissu datait du VIIème siècle environ.

Le Saint-Suaire de Turin

Voici le clou (sans mauvais jeu de mot) du sujet, la relique qui a donné (et donne encore) lieu au plus de controverses entre scientifiques et religieux : le Saint-Suaire de Turin.

Le suaire est la pièce de lin dans lequel Jésus aurait été mis au tombeau. Les 3 évangiles synoptiques sont quasi-identiques dans la description du suaire :

 46 Joseph acheta un drap de lin, descendit Jésus de la croix, l’enveloppa dans le drap de lin et le déposa dans un tombeau taillé dans la roche. Puis il roula une pierre à l’entrée du tombeau. (Marc 15:46)

59 Joseph prit le corps, l’enveloppa dans un drap de lin pur 60 et le déposa dans un tombeau neuf qu’il s’était fait creuser dans la roche. Puis il roula une grande pierre à l’entrée du tombeau et s’en alla. (Matthieu 27:59,60)

52 Il alla trouver Pilate et demanda le corps de Jésus. 53 Il le descendit de la croix, l’enveloppa dans un drap de lin et le déposa dans un tombeau taillé dans la roche, où personne n’avait encore été mis. (Luc 23:52,53)

Seul Jean se distingue en parlant de « bandelettes » :

38 Après cela, Joseph d’Arimathée, qui était disciple de Jésus, mais en secret par crainte des chefs juifs, demanda à Pilate la permission d’enlever le corps de Jésus. Pilate le lui permit. Il vint donc et enleva le corps de Jésus. 39 Nicodème, l’homme qui auparavant était allé trouver Jésus de nuit, vint aussi. Il apportait un mélange d’environ 30 kilos de myrrhe et d’aloès. 40 Ils prirent donc le corps de Jésus et l’enveloppèrent de bandelettes, avec les aromates, comme c’est la coutume d’ensevelir chez les Juifs. (Jean 19:38,40)

La présence de « bandelettes » au lieu d’un suaire pose un premier problème. Qui croire ? En l’occurrence l’écrivain de Jean nous semble peu renseigné sur les mœurs juives. Les « bandelettes » sont plutôt égyptiennes que juives. Admettons donc que Jésus ait été mis au tombeau dans un « drap de lin ».

Comme d’habitude (vous commencez à devenir experts en reliques), plusieurs suaires ont été identifiés en dehors de Turin :

  • à Besançon : il est détruit à la Révolution « avec le moule servant à renouveler l’empreinte chaque année » (procès-verbal de la Convention du 5 prairial an II, Moniteur de 1794, page 557) ;
  • à Compiègne : il est détruit en 1840 par « la maladresse d’une servante qui voulut lui rendre sa première blancheur le fit tomber en bouillie dans une cuve d’eau chaude » (les français ont décidément un problème avec les reliques : quand ils ne les détruisent pas volontairement, ils le font par maladresse) ;
  • à Aubazine en Corrèze (qui est démontré comme un faux en 1934).

Le suaire de Turin apparaît pour la première fois en 1357 à Lirey en Champagne. Après enquête, l’évêque de l’époque Pierre d’Arcis conclut que c’est un faux « habilement peint » dont l’artiste a été démasqué par son prédécesseur Henri de Poitiers « vers 1355 » et interdit son ostension. Cependant, en 1390, l’antipape Clément VII, qui est le neveu par alliance de la propriétaire du linceul, publie une bulle autorisant l’ostension de « l’image ou représentation du suaire du Seigneur conservée avec respect (ou vénération)». A l’occasion, Pierre d’Arcis est condamné au silence perpétuel.

Le suaire connaît ensuite une histoire mouvementée qui l’amène tout d’abord à Chambéry où il échappe de justesse à un incendie en 1532 (on en voit encore les traces) puis il s’installe « définitivement » à Turin. En 1898, le photographe local Secondo Pia fait la première photo du linceul et découvre la trace « imprimée » du corps de Jésus sur les négatifs.

Depuis scientifiques et croyants s’opposent :

  • les scientifiques effectuent en 1998 (sous contrôle de l’église) une datation au Carbone 14 qui confirme une origine située entre 1260 et 1390 avec une probabilité de 95 %, date qui est conforme aux traces historiques ;
  • les croyants/scientifiques émettent hypothèses sur hypothèses :
    • l’analyse est correcte mais le morceau a mal été choisi,
    • l’analyse est faussée par des phénomènes physiques (le feu de Chambéry en 1532 aurait « rechargé l’étoffe en C14 »)
    • la trace a été créée par le dégagement d’ammoniac du corps en décomposition en contact avec l’aloès servant à embaumer,
    • le corps de Jésus aurait émis des protons,
    • une faille sismique aurait fait la même chose…
  • les croyants obtus disent qu’il ne faut pas chercher à comprendre, que le pouvoir du Christ a très bien pu « rajeunir l’étoffe de son pouvoir magique » ;
  • je passe les hypothèses farfelues comme le linceul étant une photographie réalisée par Léonard de Vinci.

Il est vrai que les scientifiques d’aujourd’hui ne savent encore expliquer comment la trace a été faite et les croyants en profite pour conclure que si la science ne sait pas l’expliquer alors c’est la preuve que le suaire est d’origine divine. Suivant le même principe Dieu a construit les pyramides…

Pour finir, la position de l’Eglise a été récemment :

  • Jean-Paul II indique que « Comme il n’est pas une question de foi, l’Eglise n’a pas de compétence spécifique pour se prononcer sur ces questions. Elle confie aux scientifiques la tâche de continuer à enquêter, afin de trouver des réponses aux questions liées à cette relique, qui, selon la tradition, a enveloppé le corps de notre Rédempteur lorsqu’il fut descendu de la croix. L’Eglise demande instamment que le Suaire soit étudié sans positions pré-établies » 
  • Benoit XVI (le pape des exégètes :-)) indique que « Le Saint-Suaire est une Icône écrite avec le sang ; le sang d’un homme flagellé, couronné d’épines, crucifié et transpercé au côté droit. L’image imprimée sur le Saint-Suaire est celle d’un mort, mais le sang parle de sa vie. Chaque trace de sang parle d’amour et de vie. En particulier cette tâche abondante à proximité du flanc, faite de sang et d’eau ayant coulé avec abondance par une large blessure procurée par un coup de lance romaine, ce sang et cette eau parlent de vie. » (notez la prudence de Benoit XVI).

Discuter du suaire de Turin est un sujet sans fin, je ne veux donc pas m’y attarder. Mon avis personnel est que c’est un faux :

  • Pour des raisons historiques : les premières références datent du XIVème siècle, ce qui est conforme aux analyses Carbone 14 du tissu ;
  • Pour des raisons techniques :
    • mettez-vous un linge sur la tête, badigeonnez-le de peinture et regardez le résultat. Vous aurez une version déformée de votre visage et pas une version « portrait » comme celle du suaire ;
    • le suaire montre une image de face et une image de dos. Si on les superpose, on s’aperçoit que le corps de Jésus aurait eu l’épaisseur d’une tringle à rideau … ou d’une tringle d’ostension ;
  • Pour des raisons religieuses :
    • l’Eglise elle-même a toujours été très prudente sur l’authenticité du suaire;
    • les partisans du Saint-Suaire s’appuie sur la conformité avec la description des blessures de Jésus décrites dans l’Evangile de Jean (la mention d’une blessure au flanc due à la lance du soldat romain n’apparaît que dans cette évangile) mais oublient que l’évangile de Jean nous parle de bandelettes et pas de suaire. N’est-ce point incohérent ?

Pour aller plus loin :

I.3 – Conclusion de la Partie I

Le corps de Jésus est absent et aucune des reliques de Jésus n’est historiquement et scientifiquement crédible. Il n’existe donc aucun indice physique de l’existence historique de Jésus.

Historiquement, les reliques sont apparues en 3 vagues successives. La première vague date du premier empereur se revendiquant chrétien, Constantin. Sa mère Hélène (chrétienne de plus longue date que son fils) se rendit en pèlerinage à Jérusalem en 325-327 et y découvrit (y inventa comme on doit le dire, j’adore le terme :-)) les reliques de la Passion du Christ : la Vraie Croix, les clous de la Crucifixion et le Saint-Escalier. La deuxième vague date de Charlemagne qui – hasard – renforce le pouvoir du Pape en se faisant couronner empereur par ses mains. La troisième (et pour le moment la dernière vague) date des Xème et XIème siècle à l’occasion des croisades en Terre Sainte. Aucune relique n’a une traçabilité historique avant 325 et la traçabilité entre 325 et le Xème / XIème siècle est la plupart du temps du domaine de la légende plus que de l’histoire. Derrière les apparitions de reliques on trouve toujours des raisons politiques ou mercantiles.

Scientifiquement, la plupart des reliques n’ont jamais été expertisée, sans pour autant que l’on puisse accuser l’Eglise de mauvaise volonté. Disons que le sujet ne passionne pas les pouvoirs publics qui préfèrent dépenser l’argent public à d’autres effets. Les rares reliques qui ont été soumises à une analyse scientifique rigoureuse ont toutes été remises en cause.

Religieusement, l’Eglise elle-même ne reconnaît comme authentiques que peu de ces reliques. Pour l’Eglise, les reliques ne sont pas une question de Foi (cf. citation de Jean-Paul II ci-dessus) et ne semble pas vouloir prendre le risque d’entrer sur le terrain scientifique.

Nous pouvons donc conclure sans trop de risques à des « fakes » pour utiliser un mot moderne. Si les reliques ne nous apportent aucune preuve sur l’existence physique de Jésus, reconnaissons a contrario qu’elles ne nous disent rien contre.

Le débat athées / croyants sur les reliques est par ailleurs sans solution. Quand la science démontre qu’une relique n’est pas contemporaine de Jésus, le croyant (j’y ai été confronté) répond que le « pouvoir du Christ » peut très bien remettre en cause les lois de base de physique (la preuve : il est ressuscité). Quand la science ne sait pas répondre sur les mécanismes de fabrication d’une relique historiquement démontrée comme fausse, le croyant y voit une démonstration même de son origine divine.

Pour terminer sur l’amour des reliques qu’ont les catholiques et les orthodoxes (une des raisons pour lesquelles, si je n’étais pas athée, je serais sans doute protestant), je reprendrais la réflexion d’un érudit catholique du XIème siècle, Guibert de Nogent, qui remarquait fort justement :

« Quel besoin aurait le vrai croyant de la présence d’un tel reste matériel de Jésus, alors qu’il jouit de sa pleine et entière présence dans l’eucharistie ? »

Cet homme aurait mérité de devenir pape !

Quelques liens intéressants :

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